(Année scolaire 2022-2023)

De gauche à droite : Sneha, Samjhana, Tara, Anand (derrière Tara), Pratika, Simran, Ankit, Anu, Rammaya, Rajindra, Asmita. Il manque Saroj, qui prend la photo, et Aruna et Sarita, toujours à HCA quand la photo a été prise
1. Faits marquants de l’année 2022
a) Le Népal entre Charybde et Scylla
Après une chute brutale de l’activité économique en 2020 au pic de la pandémie de COVID-19, qui avait conduit à un arrêt quasi-total des secteurs du tourisme – le poumon économique du pays –, des transports et de l’éducation et mis quasiment à la rue des millions de personnes, sans revenus, sans emplois et pour certains sans toit, le Népal a fini par progressivement se relever. La reprise poussive du tourisme et de l’hôtellerie en 2022 a nourri un petit rebond économique.
Mais le choc de la guerre en Ukraine et la flambée des prix du pétrole et des matières premières qui s’en est ensuivie est survenu alors que l’économie népalaise ne s’était pas encore réellement remise de la pandémie. Le coût de la vie a considérablement augmenté (+25 % pour les produits de la vie courante) faisant basculer dans la pauvreté et la précarité une frange grandissante de la population. Cette onde de chocs laissera des séquelles durables sur l’économie du Népal et sur les perspectives économiques et
financières de sa population.
C’est dans ce contexte que ceux de nos jeunes qui ont récemment terminé leurs études ont le plus grand mal à trouver un emploi et une rémunération à la hauteur de leurs compétences et de leurs qualifications.
b) Le passage de l’université à la vie active ou le syndrome de Sisyphe !
Dans la mythologie grecque, Sisyphe avait déclenché la colère des dieux de l’Olympe pour avoir trahi leurs secrets divins. En guise de châtiment, les dieux le condamnèrent à pousser indéfiniment un énorme rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait sous l’effet de son propre poids. Les dieux avaient pensé, non sans raison, qu’il n’est pas de punition plus terrible qu’un travail difficile, inutile, toujours recommencé et sans espoir. C’est, trop souvent, ce sentiment de découragement profond et de mal-être qu’éprouvent nos jeunes en recherche d’emploi au Népal même si, ici, les dieux ne font pas partie de
l’équation.
Pratikcha (28 ans, diplômée, en 2021, d’un Master en Relations Internationales) et Nima (25 ans, diplômé, en 2022, d’un Bachelor en sciences informatiques) se sont, en 2022, attelés à la délicate tâche de trouver au Népal un emploi avec un salaire à la hauteur de leurs qualifications (après Naren, Shankar, Anga et tant d’autres).


Pour nos jeunes, il est relativement facile de trouver un emploi. Mais le problème – le gros problème – c’est de trouver un emploi dans leur domaine de compétence, à leur niveau de qualification, et avec le salaire associé. Et s’ils finissent par temporiser en acceptant un job en dessous de leurs compétences, le salaire qu’on leur offre est, le plus souvent, juste suffisant pour payer leurs dépenses incompressibles, et sans que leur employeur leur présente la moindre perspective de progression ou d’évolution. Alors, le réflexe, c’est naturellement de penser à l’étranger – de vouloir partir ailleurs, là où l’herbe est plus verte !
Il y a une réelle problématique spécifique des jeunes diplômés au Népal.
Selon une étude de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) datant de 2015, le taux de chômage des jeunes diplômés universitaires (Bac+4) était, en 2015, de 26,1 %, soit plus de 3 fois le taux de chômage des jeunes sans aucune instruction, qui s’élevait à 8,2 %, et près de 10 fois le taux de chômage national, tout âge confondu, qui ressortait à 2,7 % !
Le faible taux de chômage national s’explique par trois facteurs principaux : l’importante migration de la main-d’œuvre; l’expansion du secteur des services ; et la prédominance de l’agriculture de subsistance.
La majorité des jeunes qui travaillent (92,2 % en 2015) au Népal sont engagés dans un emploi informel sans aucun droit social tel que les congés payés ou un salaire minimum.

Alors, jeunes diplômés trop exigeants ou emplois insuffisants ? Comment expliquer un tel niveau de chômage des jeunes diplômés ?
A l’évidence, ces jeunes sont plus sélectifs dans le choix d’un emploi que les jeunes peu ou pas instruits du fait de leur investissement dans leur éducation. Comment, en effet, accepter un job alimentaire pour lequel on est surqualifié et qui exige le plus souvent d’aligner de longues heures de travail pour un bas salaire et des droits sociaux le plus souvent inexistants ?
Mais il reste que les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur se heurtent à quatre obstacles de taille
– L’inadéquation entre les qualifications offertes et celles exigées pour un emploi donné dans une économie qui reste très pauvre et essentiellement agricole. L’enquête par sondage menée par l’OIT dans l’étude citée ci-dessus révèle que pour 32 % des jeunes diplômés sondés le manque d’emplois existants au Népal est le principal obstacle à leur recherche d’emploi.
– Le manque d’expérience professionnelle, qui est une entrave majeure pour 20 % des jeunes sondés selon la même étude de l’OIT, la plupart des offres d’emplois formels publiées en externe exigeant en effet au moins quelques années de travail en cohérence avec le métier envisagé.
– Le manque d’informations sur les postes vacants disponibles, une conséquence, largement, de la place démesurée qu’occupe le secteur informel dans l’économie Népalaise. Cela s’ajoute à l’inefficacité voire l’inexistence d’outils / de systèmes d’information / d’institutions pour les demandeurs d’emploi, même si cette barrière peut être réduite par la disponibilité d’Internet.
– Dernier obstacle, et non des moindres, le manque de réseau (famille, amis), qui est quasiment un prérequis au Népal pour trouver un job. L’OIT (op.cit.) estime que seules 10% des offres d’emploi sont accessibles aux candidats par l’intermédiaire d’annonces et
des sites d’emplois. Ainsi existe-t-il un important marché caché de l’emploi auquel seul un bon réseau – c’est-à-dire les connaissances et les proches – peut permettre aux demandeurs d’emploi d’accéder. Le népotisme reste omniprésent au Népal.
Pour en revenir aux cas particuliers de nos jeunes, tous issus de communautés extrêmement pauvres et donc historiquement sous-représentées dans les sphères politique, sociale et économique de leur pays, le manque de réseau est un handicap majeur. L’absence de connexions (ou de piston), combinée à l’extrême étroitesse du marché formel du travail au Népal explique l’essentiel des difficultés qu’ils rencontrent dans leur quête d’un emploi. A cela, s’ajoute encore l’absence d’une première expérience professionnelle dans leur domaine d’études, qui finit de les exclure d’un pan entier du (maigre) marché de l’emploi Népalais.
Après de nombreuses candidatures envoyées à tous ses contacts et aux plus belles (ainsi qu’aux moins belles) organisations et sociétés du Népal, avec peu de retour concluant, Pratikcha a saisi une opportunité d’emploi dans une organisation humanitaire : Shangri-La Development Association (SDA), où elle a décroché un poste de Public Relations Officer, en CDD (1 an) et avec une rémunération mensuelle de 26.000 roupies (environ 200€). Pratikcha aime son travail, mais le faible salaire et l’absence de perspective d’évolution professionnelle dans cette organisation l’empêchent de s’y projeter durablement.
Quant à Nima, il a fini par démissionner de la SSII (Société de Services et d’Ingénierie en Informatique) pour laquelle il a bossé pendant plus d’un an sans contrat de travail digne de ce nom et pour un salaire de 17.000 roupies par mois, sans aucune perspective de revalorisation. La société, aux prises avec de graves difficultés économiques et financières dans le contexte de la pandémie de Covid-19, a dû tailler ses effectifs à la hache, pour ne garder quasiment que le Département Informatique, lui-même entré dans une période de vaches maigres.
Leur rêve à tous les deux ? Partir à l’étranger, dans un pays riche, pour, idéalement, y travailler, mais pour cela il faut généralement avoir au moins 3 ans d’expérience professionnelle dans le poste brigué. Nima n’a eu aucune réponse aux CV qu’il a envoyés à de nombreuses sociétés australiennes notamment. Comme il est plus facile d’obtenir un visa étudiant qu’un visa de travail, nos jeunes pensent donc à poursuivre leurs études à l’étranger. Mais là, c’est un parcours d’obstacles financiers qui se dresse devant eux.
Alors, Pratikcha, pour l’heure, « goes with the flow », pour reprendre son expression. Nima, lui, tente le rêve américain…
c) Le Foyer d’accueil SEA au Népal
Le Foyer d’accueil SEA -le Sélina Hostel-, c’est 2 étages, un pour les filles et un pour les garçons, loués dans une grande maison de 3 étages, avec un petit jardin au rez-de-chaussée et une terrasse au dernier étage, dont SEA a la pleine jouissance. Chaque étage dispose d’une cuisine, d’une salle de bains, d’un salon et de 3 chambres (voir la vidéo publiée sur le site SEA).
Aujourd’hui, ce sont 13 étudiants (9 filles et 4 garçons) qui vivent dans le Home SEA sous l’encadrement de Mme Tara Parajuli, notre fidèle responsable SEA au Népal : Anand, Saroj, Rajendra, Samjhana, Sneha, Simran, Anu, Ankit, Asmita, Pratika, Rammaya, Aruna et Sarita.

droite : Asmita, à gauche : Rammaya.

d) Les diplômées de l’année 2022
3 jeunes ont décroché un diplôme en 2022 : Satikcha, Simran et Aruna.
Satikcha, 26 ans, a aisément obtenu, avec une mention Très Bien, son diplôme professionnel (Bac+18 mois) en Management Hôtelier du Kathmandu Institute for Hospitality Management.
Compte-tenu de la crise économique qui continue d’affecter le secteur hôtelier au Népal, elle est à la recherche d’un emploi à Dubaï ou à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis).
Mais pour l’heure, elle pouponne, puisque qu’en septembre dernier, elle est devenue maman pour la deuxième fois, cette fois d’une belle petite fille.
Après nous avoir donné des sueurs froides tout au long de 2022, Simran, 20 ans, qui collectionnait des notes catastrophiques en maths et en physique, a décroché le National Examinations Board – NEB (l’équivalent du Baccalauréat français) à l’arraché, grâce aux épreuves de rattrapage, et, surprise (!), avec une bonne note finale (65 %) !
Elle avait choisi la spécialité scientifique en classe 11 (l’équivalent de notre 1ère), car elle ambitionnait de suivre un Bachelor en soins infirmiers, seulement accessible avec le NEB ès sciences. Mais les sciences et les maths, ce n’est manifestement pas sa tasse de thé !
Elle a finalement réajusté son projet d’études pour se tourner vers les sciences humaines. En décembre dernier, elle s’est inscrite en Bachelor of Arts (Major en Travail Social), au K and K (Kanti and Kunja) International College, affilié à l’université Tribhuvan, une des principales institutions académiques du Népal.
Aruna, 17 ans, a obtenu le Secondary Education Examination (ou SEE) qui clôt la classe 10, avec un score global de 64 %. En avril dernier, une fois sa classe 10 terminée, elle a quitté l’internat de Heartland Children’s Academy (HCA) pour venir vivre dans le Foyer SEA. Comme nombre de ses aînés, elle a choisi de s’inscrire en classe 11, à Khwopa Secondary School (KSS), en Management.
Aruna s’épanouit dans l’atmosphère familiale du Home qui l’aide à surmonter les traumatismes de son enfance. Elle a vu une psychiatre qui lui a permis de progresser dans ce long travail d’évacuation de ses angoisses, de ses colères, de cette sensation de menace constante qui l’a oppressée pendant si longtemps. L’avenir sera bienveillant.
e) Les (deux) derniers résultats académiques des 21 filleuls SEA en 2022
Le tableau ci-dessous récapitule les derniers résultats scolaires connus au 1er mars 2023 des 21 jeunes parrainés par SEA en 2022. Notons le choix de Junmaya d’abandonner ses études et donc de sortir de facto de SEA.
2) En 2023, le nombre de filleuls SEA diminuera à 14
Avec la sortie de SEA de Satikcha, qui a brillamment obtenu son diplôme en Gestion Hôtelière l’année dernière, et de Junmaya, qui a abandonné ses études, SEA comptait, au 1er mars 2023, 19 jeunes parrainés, âgés de 16 à 25 ans.
5 sorties supplémentaires de SEA interviendront en 2023, ce qui abaissera le nombre de filleuls à 14 fin 2023 – des sorties bienvenues pour SEA compte-tenu de la fragilité de sa situation financière.
a) Anu et Nirdesh termineront leur cycle d’études en 2023
Anu, 23 ans, dont les résultats académiques se sont très nettement améliorés en 2ème année de son cycle d’études professionnelles au Green Tara College for Medical Sciences, a passé, en février 2023, les examens finaux de ses études professionnelles d’Assistante Médicale (SEE+3).
Nul doute qu’elle devrait trouver un bon job rapidement, les diplômes professionnels, surtout dans le domaine médical, étant très prisés sur le marché du travail Népalais.
Elle prévoit d’aller vivre chez sa sœur une fois ses examens passés.
Nirdesh, 24 ans, décrochera son Master Scientifique en Chimie (Bac+6) mi2023, après une scolarité brillante.
Il s’interroge aujourd’hui sur le bien-fondé de continuer ses études en doctorat.
Il aimerait bien pouvoir faire une thèse aux États-Unis où, apparemment, les étudiants en Chimie sont demandés. Pour cela, il prévoit de passer les tests d’évaluation académique (GRE) et de connaissances en anglais (IELTS) demandés par les universités américaines.
Il espère pouvoir obtenir une bourse d’étude doctorale d’une faculté américaine.
b) Ankit et Prabin quitteront SEA une fois leur Bac passé
Ankit et Prabin partagent (au moins) un trait commun : le manque d’assiduité scolaire et ce, depuis tout temps. Tous les deux sont en classe 12 (Terminale), option Management, et ils continuent d’accumuler les notes éliminatoires.
Ankit est le cousin germain d’Anga – un ex étudiant SEA parrainé de 2003 à 2021 et diplômé du prestigieux Institut national de technologie Motilal Nehru (ou MNNIT), une grande école d’ingénieur indienne. C’est Anga qui, en 2012, nous a demandé de
le prendre en charge.
Lors de sa prise en charge par SEA, en 2012, Ankit, qui avait alors 9 ans, n’était jamais allé à l’école. Ses parents, des paysans sans terre et sans ressource, vivent à Humla, l’un des districts les plus pauvres et les plus reculés du Népal.
Aujourd’hui, Ankit a 19 ans ; il vit dans le Home SEA et est scolarisé au Khwopa International College.
SEA a demandé à Anga de prendre sa relève pour prendre soin d’Ankit, une fois que celui-ci aura passé le NEB (l’équivalent du Bac). Ankit, en effet, ne satisfait pas à l’exigence de résultat fixée par SEA pour continuer le parrainage au-delà du Bac. En outre, il est plus que temps qu’Anga apprenne à prendre soin de l’autre.
Prabin est le fils de Sabita, une des anciennes employées de SEA. Parrainé par SEA depuis 2010, il a aujourd’hui 17 ans et vit avec sa maman, qui travaille comme couturière et qui jouit d’une certaine aisance financière.
En apothéose d’un parcours scolaire décevant, Prabin a réussi l’exploit, lors de ses derniers examens, d’échouer dans 5 matières : économie ; comptabilité ; informatique ; études sociales 1 ; études sociales 2. Heureusement, il a encore quelques notions d’anglais (note C) et de népali (C+).
Nul doute que sa famille prendra bien soin de lui.
Pour lui, le plus important à ce stade est sans doute d’apprendre la valeur de l’effort.
c) Sneha quittera SEA en mai, une fois ses examens de 1ère année de bachelor passés
Difficile de comprendre les ressorts qui animent Sneha. La paresse en est certainement un. Car c’est un trait de personnalité qui ne l’a guère quittée depuis 2007 que nous la connaissons. Mais quand même ! Sneha reste une énigme !
Imaginez une jeune femme de 19 ans en 2022, en 1ère année de Licence, qui doit tout ce qui fait sa vie à la générosité d’étrangers, et qui renâcle devant tout travail, devant toute contrainte, devant toute obligation.
Dans le Foyer SEA, puisque c’est là qu’elle vit, les tâches domestiques, ce n’est pas pour elle. Les autres les feront bien, puisque c’est la règle dans le Foyer SEA : chacun doit faire sa part des tâches ménagères. Les autres font le boulot ; tout baigne !
A la fac, malheureusement, personne ne veut faire le boulot pour elle. Alors, les résultats et les évaluations s’enchaînent au fil des partiels : échec, « Not satisfactory, hard work is needed » ; échec, « Not satisfactory, hard work is needed » ; échec, « Not satisfactory, hard work is needed ». Il est tout de même ennuyeux qu’à la fac aucune bonne âme ne puisse faire le boulot pour elle !
Un autre trait caractéristique de Sneha, c’est que tout est toujours de la faute des autres ! Elle, elle est parfaite ! Par exemple, quand sa sœur, Menuka, l’a prise chez elle, en Inde, en avril 2019, parce que les options de scolarisation proposées par SEA à Sneha ne leur convenaient pas et que cela s’est terminé prompto par un retour à SEA, ce n’est rien de moins que de maltraitance de la part de sa sœur et de son mari dont Sneha s’est plainte. Il serait intéressant de savoir ce que Sneha dit de SEA à l’extérieur…
Sneha, 20 ans aujourd’hui, quittera SEA fin avril, une fois qu’elle aura passé ses examens finaux de première année de Licence.
3) En 2023, le nombre de filleuls SEA diminuera à 14
Fin 2023, les 14 parrainages SEA seront répartis comme suit
- 12 parrainages complets, dont 1 en Inde (Usha) et 11 au Népal (Anand, Deepak, Saroj, Rajendra, Samjhana, Simran, Asmita, Rammaya, Aruna, Sarita, Sushila), et 2 parrainages scolaires (Suman et Pratika),
- 9 filles et 5 garçons,
- 13 jeunes de 18 ans et plus, et 1 de 17 ans,
- 11 universitaires, 1 lycéenne (classe 11 et 12 ou Première et Terminale) et 2 collégiennes (classe 8 à 10).






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